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Data Marketing

Regards d’experts | Interview de Philippe Nieuwbourg

Vous dites souvent dans vos interventions que les données sont le pétrole du XXIème siècle. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Je ne m’attribue pas cette phrase-là parce qu’elle n’est pas de moi, mais la comparaison est très juste. Le pétrole a complètement bouleversé notre monde. La principale révolution du XXème siècle, ce n’est ni l’informatique ni l’électricité, c’est le pétrole ! Il a complètement changé l’économie et a aussi provoqué des guerres. On voit que les données suivent le même modèle : elles vont créer des entreprises, mais on peut aussi imaginer qu’elles vont être à l’origine de nouvelles guerres sous forme de cyber-attaques… Aujourd’hui si vous détruisez l’infrastructure internet d’un pays, vous avez un impact bien plus important que si vous envoyez vos troupes à sa frontière pour essayer de l’envahir.

Ce n’est pas la seule comparaison. Dans le courant du XXème siècle, on est passés d’une économie locale à une économie mondiale grâce au pétrole qui a permis de déplacer des objets, des gens de manière beaucoup plus facile et moins cher. Cela a changé la vision de l’économie. Aujourd’hui, 80% des produits que nous consommons viennent de Chine, et cela est possible parce que l’on peut les acheminer. Le pétrole a donc eu un impact colossal sur la totalité de l’économie, et je pense que les données vont avoir un impact aussi important. De plus en plus d’entreprises vous proposent des services gratuits ou très peu chers, parce qu’en fait, la vraie valeur, c’est la donnée que vous fournissez. Si je prends l’exemple d’Amazon, c’est une entreprise qui construit son modèle économique autour de la donnée. Sa valeur ne repose pas sur des robots et de la logistique. Sa valeur, elle vient des données collectées sur le site d’Amazon mais aussi à travers les applications et des services développés.

L’autre analogie, enfin, entre le pétrole et la donnée, c’est que les processus sont identiques. Les données, comme le pétrole, il faut les identifier, les extraire, les transporter, les stocker, les raffiner. Quand vous prenez du pétrole brut dans vos mains, ça n’a aucune valeur, c’est juste sale, c’est lourd et vous ne pouvez rien en faire. Une fois que vous le raffinez, vous pouvez en faire du kérosène, de l’essence, du diesel, des huiles, du goudron etc. Ce sont ces produits à la sortie du raffinage qui ont de la valeur. C’est exactement la même chose pour les données : si je vous donne un disque dur avec un terra-octet de données à l’intérieur, ça ne vaut rien. Ce qui compte, c’est ce que vous allez en faire.

Est-ce que l’on peut parler de révolution Big Data?

Je n’aime pas parler de révolution, disons plutôt que c’est une évolution. Les grands scientifiques et les grands inventeurs le savent bien : toute invention est le processus de maturation à partir d’autres inventions. Donc pour moi, le Big Data n’existe pas. C’est un terme purement marketing qui arrange les vendeurs de logiciels, mais il a le mérite de poser un mot sur une vraie problématique.

Le Big Data est communément défini par les fameux 3V : Variété, Vélocité et Vitesse. La vraie nouveauté, c’est cela, la combinaison de ces trois éléments : avoir des éléments qui sont non-structurées très rapidement et en très gros volumes. Dans ma version personnelle, j’ajoute aussi la Visualisation et la Valeur qui permettent de comprendre la réelle finalité de ces Big Data. Pour la visualisation, les données ne servent à rien si l’on n’est pas capable de les représenter correctement. L’une des faiblesses du Big Data aujourd’hui, c’est justement de dire « j’ai des péta-octets de données, comment est-ce que je suis visuellement capable de faire comprendre aux gens « business » comment ces données apportent de la valeur à mon entreprise ? ». C’est là pour moi qu’arrive le 5ème V : toutes ces données n’ont aucun intérêt si elles ne sont pas créatrices de valeur.

Justement, les entreprises aujourd’hui ont-elles conscience de la valeur et de l’importance de leurs données ?

Même si tout le monde n’a pas la même maturité sur ce sujet, la data va devenir incontournable et les entreprises vont devoir s’y adapter. C’est dans leur nature même de devoir évoluer et s’adapter à de nouveaux environnements. C’est Andy Grove, le patron d’Intel, qui disait cela : « Ce ne sont pas les plus rapides qui vont gagner, mais les plus agiles ».

L’intégration de la problématique de la donnée va se faire progressivement dans les entreprises, chacune à leur rythme. C’est un cheminement qui va se faire : la prise de conscience de la valeur de la donnée va entraîner un certain nombre d’investissements pour les protéger. On va d’abord exploiter la donnée, et ensuite, on va se rendre compte qu’elle est sensible et qu’il faut la protéger.

La sécurité des données est à propos un vrai sujet…

En général, ce n’est pas l’entreprise en tant que telle qui a conscience de la valeur de ses données. Par contre, à l’intérieur de l’entreprise, des gens comme les responsables de la sécurité ou les responsables informatiques en ont conscience. Mais ce n’est pas encore le cas pour tout le monde. Il suffit de voir les entreprises avec les mots de passe collés sur un pos-it près de l’écran, ou les personnes qui se promènent avec des clés usb pleines de données confidentielles ! Donc non, pour l’instant, il n’y pas une prise de conscience aussi importante qu’elle devrait l’être. C’est pourtant clair que la sécurité des données est un point clé, même si les niveaux d’importance diffèrent. Par exemple, si EDF se fait voler demain sa liste de clients, c’est évidemment embêtant, mais sans plus d’enjeux. Par contre, si demain une banque ou un site de e-commerce se fait pirater avec toutes les coordonnées bancaires des clients, là c’est beaucoup plus grave.
Aujourd’hui, les PME se sentent très peu concernées par le sujet, elles sont d’ailleurs rarement la cible d’attaques. Au niveau des grandes entreprises, il y a un discours qui énonce que oui, il y a une réelle conscience de la sensibilité des données. Par contre dans la réalité, il y a de réelles failles de sécurité que l’on découvre tous les jours. Les banques n’en parlent pas mais elles sont toutes sujettes à ce genre de problème.

Toutes les entreprises sont-elles concernées ?

Oui, quasiment toutes. Les seules qui pourraient potentiellement s’en passer, c’est l’hyper-local car il n’est pas ou peu exposé à la concurrence. Et encore. Peut-être que vous seriez ravi que votre boulanger vous envoie un texto le matin pour vous prévenir que les baguettes sont chaudes. Ce ne serait pas indispensable, mais ce serait malin ! Malin car vous serez content de laisser votre SMS ou email à votre boulanger, et que vous ne vivrez pas comme une intrusion ses messages, au contraire ce sera un service. Cet artisan n’aura évidemment aucun enjeu technique, et aucun besoin d’Oracle, un simple tableau Excel suffira, mais cela reste de la donnée quand même.

Donc, nous revenons au fait que le vrai enjeu de la donnée n’est pas technologique mais business ?

Bien sûr, c’est essentiel. Il ne faut pas oublier que la nature humaine aime les nouveaux outils technologiques, et il faut donc en jouer pour faire adopter le sujet de la data. Par exemple, si vous mettez en place une solution de CRM, le meilleur moyen pour que vos commerciaux l’utilisent, c’est de leur donner des iPads sur lesquels ils utiliseront l’interface CRM ! Ce sera beaucoup plus attrayant pour eux que de remplir des tableaux Excel. C’est important de jouer sur la technologie pour que les collaborateurs adhèrent au projet. Il faut aussi évidemment que ça leur apporte réellement quelque chose, en termes de valeur ajoutée business. Beaucoup trop de projets CRM dans les années 90’s ont capoté parce que la direction générale décidait d’un outil qui faisait officieusement office de « mouchard ». Au final, dans un schéma complètement pyramidal et unidirectionnel, cela ajoutait du travail aux commerciaux mais ne leur apportait rien.

Quelles sont les tendances actuelles en matière de data ?

Le data-storytelling est une notion très importante, c’est la combinaison de faits et de données pour raconter une belle histoire. On se rend compte que pour faire passer des chiffres, il faut savoir les raconter. Le data-storytelling, c’est se dire « je vais raffiner un péta-octet de données, je vais faire de beaux graphiques (et ça ne veut pas dire faire des camemberts dans Excel !) pour mettre en valeur l’information que je veux faire passer ». Pour raconter cette histoire-là, il faut une dimension dynamique. Donc le data-storytelling, c’est raconter l’histoire de ces données en s’appuyant sur de la visualisation graphique. Cela veut dire que désormais, vous pouvez construire une histoire sur la base des données, exactement comme un scénario de film.

Une autre tendance à suivre de près et même à adopter, c’est la data-visualisation. Contrairement aux outils de business intelligence classiques, les nouvelles interfaces permettent aux utilisateurs de créer eux-mêmes leurs data-visualisations. Dans les outils classiques, on demande seulement aux utilisateurs d’exprimer un besoin et c’est un consultant qui va développer pour lui. Là, on rend les utilisateurs autonomes sur la mise en scène de leurs données. On aura toujours besoin d’informaticiens pour aller extraire et préparer les données, en revanche, leur analyse et leur utilisation arrive entre les mains de l’utilisateur. C’est la même évolution que l’on a connu avec les secrétaires et le traitement de texte. Aujourd’hui dans les entreprises, plus personne ne donne son courrier à taper à sa secrétaire.

Quels seront les prochains supports sur lesquels se développera la data ?

L’un de ceux auxquels je pense, c’est l’impression 3D. On peut imaginer que d’ici 10 ans, les industriels auront construits des bases de données dédiés aux modèles de leurs pièces pour les imprimer en 3D. Il y aura une nouvelle sorte de commerces, des centres de services répartis un peu partout qui seront des points d’impressions 3D, la version « nouvelle génération » des imprimeurs de quartier. Ces commerçants seront connectés aux industriels qui pourront leur envoyer leurs commandes d’impression de pièces, par exemple des pièces de rechange pour réparer de l’électro-ménager, que vous passerez chercher le soir avant de rentrer chez vous.

Mais cela va aussi potentiellement changer le métier du commerce. Si je prends l’exemple d’une tasse achetée chez un célèbre designer suédois, aujourd’hui, pour vous la procurer, vous allez l’acheter dans sa boutique. Demain, l’impression 3D va compléter changer cela. Demain, vous n’achèterez pas la tasse mais le droit d’impression de cette tasse. Au lieu aussi de recevoir la tasse que vous aurez commandée sur le web, vous allez recevoir une clé numérique qui va vous permettre d’aller imprimer chez le prestataire en bas de chez vous les 6 tasses que vous avez commandées. Cela ne va donc pas seulement changer le métier des industriels, mais il va aussi changer celui des distributeurs. Eux-mêmes vont devenir des prestataires d’impression 3D.

Cela va d’ailleurs bien les arranger car il y aura moins de stocks, moins de flux à traiter, moins de logistique, moins d’espace de stockage etc. On va alors vivre tout ce que l’on a déjà vécu dans la numérisation des disques et des films, et cela va notamment soulever des problèmes de piratage de fichiers. Il va évidemment y avoir des copies pirates qui vont emmener en France à la création d’une Hadopi 3D etc.
Tout cela n’est pas de l’élucubration futuriste, mais quelque chose qui va arriver chez nous de manière certaine et sera installé d’ici 10 ans. Aux Etats-Unis par exemple, il y a déjà une chaîne de franchise d’impression 3D qui est en train de se créer. Il ne faut pas oublier que le web en France a seulement entre 10 et  15 ans, donc on voit bien comment l’on peut très rapidement adopter de nouvelles technologies.

Pouvez-nous conclure en nous parlant du Data Institute ?

Je l’ai créé en 2012 parce que je suis parti du constat que ces sujets de la data et de la business intelligence ne sont pas abordés par les universités et les grandes écoles. Elles ont un temps de réactivité trop lent par rapport aux besoins du marché. Même aux Etats-Unis ou au Canada, il faut deux ans pour qu’une université adapte son programme et inclut de nouveaux sujets. Pourtant, les entreprises ont besoin de former leurs experts, et donc le Data Institute, c’est de la formation continue pour ceux qui sont déjà dans le métier, des professionnels qui connaissent déjà la business intelligence. On a fait notamment des formations sur la data-visualisation et le data-storytelling.

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