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Rencontres

[Interview] Rencontre avec Delphine Manceau, Directrice de la division corporate de l’ESCP Europe

Quelles tendances des dernières années vont profondément marquer les années à venir ?
Le marketing a profondément changé ces dernières années. Tout d’abord, il y a clairement une prise de pouvoir du consommateur dans le discours marketing. Aujourd’hui, les consommateurs sont l’un des émetteurs majeurs du discours des marques alors qu’historiquement, ils étaient plutôt récepteurs. Cela signifie que les marques, quand elles écrivent leurs discours, doivent penser aux interprétations, voire aux détournements, qu’en feront les consommateurs.
La deuxième tendance majeure, c’est la personnalisation : personnalisation du message, personnalisation des produits qui va encore certainement se renforcer avec l’arrivée des imprimantes 3D. C’est une tendance forte qui amène à des stratégies assez complexes où il faut à la fois des marques très fortes au positionnement affirmé et des gammes de produits personnalisés et personnalisables.
On a également assisté à la montée en puissance des marchés low-cost et des marchés haut-de-gamme, au détriment des marques au positionnement intermédiaire. On observe ces deux phénomènes conjointement, et d’ailleurs, un même consommateur passe de l’un à l’autre. Il voyage sur une compagnie aérienne low cost et utilise pendant le vol sa tablette haut de gamme ; il a une voiture low cost et un home cinema de grande marque.  Un autre marqueur du low-cost, c’est sa généralisation à tous les secteurs : le voyage, la coiffure, l’hôtellerie etc. Enfin, une grande mutation des dernières années, c’est l’open innovation. Ce mode de création basé sur le partage et la coopération, entre entreprises ou avec les clients, change profondément la manière d’innover. On n’a plus besoin de faire une étude de marché avant d’inventer des produits et services, puisqu’on consulte les clients en temps réel sur les idées émergentes, voire sur les prototypes. Plus encore, le consommateur est partie prenante du processus d’innovation dans les dispositifs de crowdsourcing ou de cocréation.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la tendance à la personnalisation ?
On peut personnaliser à différents niveaux.
D’abord la communication bien sûr. En la matière, le BtoB propose des formes très fines de personnalisation du fait du nombre plus réduit de clients sur lesquels on dispose d’informations détaillées. On peut avoir des campagnes de fidélisation très personnalisées et adapter les offres au comportement du client
Ensuite le produit, personnalisé au niveau de l’assemblage, comme l’a fait historiquement Dell, ou de ses composantes comme le font aujourd’hui de nombreuses marques vendues sur Internet, depuis couteaux Laguiole jusqu’aux coques d’iPhone Sculpteo.
Enfin, les Big Data, et tout le volume de données disponibles en temps réel, modifient la manière de personnaliser. On peut adopter un marketing comportemental qui s’adresse au client non seulement en fonction de ce qu’il est, mais aussi en fonction de ce qu’il fait à un instant t.

Comment les directions marketing appréhendent-elles ces évolutions ?
Le marketing a beaucoup évolué, c’est un métier de plus en plus exigeant qui demande une multiplicité de compétences. Tout d’abord en matière financière puisque, crise oblige, il faut démontrer l’efficacité de chaque euro investi. Ensuite, le marketing doit avoir une bonne compréhension des marchés dans différentes régions du monde et parfois sur plusieurs catégories de produits de par le développement des produits hybrides. La dimension technique du métier se renforce avec la  maîtrise de sujets tels que la data et le digital. Et enfin, le marketing doit coopérer de manière étroite avec les autres fonctions de l’entreprise, par exemple pour stimuler l’innovation ou pour travailler sur des gammes de produits personnalisables.
Le marketing doit avoir un rôle de centre du réseau et travailler avec beaucoup de services internes comme la R&D, l’innovation, la DSI… Ces collaborations ne sont pas toujours faciles parce que ces services ont des cultures distinctes, une vision du client différente, une perception du temps hétérogène, des indicateurs de performance éloignés. Le marketing doit comprendre tous ces interlocuteurs pour intégrer ces compétences.

Est-ce que cela signifie que les marketeurs doivent aussi acculturer les autres services à leur métier ?
Oui, complètement. Et ils doivent être capables de surmonter toutes les idées reçues sur le marketing. En France, on est historiquement un peu fâché avec le marketing. Un des enjeux, c’est d’expliquer que le marketing est très différent de l’image caricaturale d’un service qui cherche à « fourguer des produits » à des personnes qui n’en ressentent pas le besoin. Les marketers doivent aider les autres services à comprendre ce qu’est le consommateur d’aujourd’hui et à réfléchir en termes d’expérience de consommation ou d’utilisation du produit ou service. Ces notions peuvent avoir un impact sur des services tels que la R&D par exemple. Après est-ce que cela signifie que le client est au centre de l’entreprise, je n’en suis pas certaine. La crise est passée par là et les entreprises ont des gammes de produits beaucoup moins larges, moins adaptées à la demande de chaque client, parce qu’elles cherchent avant tout à optimiser les coûts.

Pouvez-vous nous parler du marketing de l’innovation qui est l’un de vos domaines de prédilection ?
Pour moi, l’innovation est réussie lorsque de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux processus trouvent leurs marchés. Le marketing de l’innovation doit permettre de faire le pont entre l’invention et le marché. C’est un marketing différent du marketing classique, la logique consiste à anticiper les besoins et les souhaits futurs du marché, et donc à construire l’offre qui correspondra aux nouveaux usages et aux nouvelles expériences de demain.
En période de crise, la seule manière de relancer les marchés et de stimuler la demande est l’innovation. D’ailleurs, on observe actuellement beaucoup d’innovation, non seulement en matière de produits, mais aussi de canaux de distribution et de business modèles. On le voit avec internet se sont développés les modèles freemium, et la dissociation entre utilisateur et le payeur comme chez Google… On voit aussi émerger de nouveaux business modèles dans les secteurs tangibles notamment autour du partage, du prêt et de la location plutôt que l’achat. On peut citer l’automobile où se développent des services de covoiturage ou de location (comme AutoLib). Dans le BtoB aussi, de nouveaux business modèles émergent. Par exemple, certains industriels passent de la vente de machines à la vente de service et de prestation à l’utilisation.

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